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des temples, les songes divins étaient tenus pour des choses notoires. Élien va bientôt écrire ses livres pour démontrer, par de prétendus faits, que ceux qui nient les manifestations miraculeuses des dieux « sont plus déraisonnables que des enfants », que ceux qui croient aux dieux s’en trouvent bien, tandis que les plus atroces aventures arrivent aux incrédules, aux blasphémateurs[1].

Ce que Celse est éminemment, c’est un sujet dévoué de l’empereur, un patriote. On le suppose Romain ou Italien ; il est certain que Lucien, tout loyal qu’il est, n’a pas une sympathie aussi prononcée pour l’empire. Le raisonnement fondamental de Celse est celui-ci : La religion romaine a été un phénomène concomitant de la grandeur romaine ; donc elle est vraie. Comme les gnostiques, Celse croit que chaque nation a ses dieux qui la protègent tant qu’elle les adore ainsi qu’ils veulent être adorés. Abandonner ses dieux est, pour une nation, l’équivalent d’un suicide. Celse est ainsi l’inverse en tout d’un Tatien, ennemi acharné de l’hellénisme et de la société romaine. Tatien sacrifie entièrement la civilisation hellénique au judaïsme et au christianisme. Celse attribue tout ce qu’il y a de bon chez les juifs et chez les chrétiens à

  1. Fragments sur la Providence et les Apparitions, édit. de Hercher, fragm. 10, 43, 53, 62, 89, 98, 101.