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turel chrétien. Malheureusement, on ne se plaçait pas sur le terrain véritable. Combattre les religions en maintenant, en exagérant même le principe religieux, est le plus mauvais calcul. Montrer l’inanité de tout surnaturel, voilà la cure radicale du fanatisme. Or, presque personne n’était à ce point de vue. Le philosophe romain Celse, homme instruit, de grand bon sens, qui a devancé sur plusieurs points les résultats de la critique moderne, écrivit un livre contre le christianisme, non pour prouver aux chrétiens que leur façon de concevoir l’intervention de Dieu dans les choses du monde était contraire à ce que nous savons de la réalité, mais pour montrer qu’ils avaient tort de ne pas pratiquer la religion telle qu’ils la trouvaient établie.

Ce Celse était ami de Lucien[1] et semble, au fond, avoir partagé le scepticisme du grand rieur de Samosate. Ce fut à sa demande que Lucien composa le spirituel essai sur Alexandre d’Abonotique[2], où la niaiserie de croire au surnaturel est si bien exposée. Lucien, lui parlant cœur à cœur[3], le présente comme

  1. L’identification du Celse d’Origène et du Celse de Lucien n’est pas certaine ; mais elle est très vraisemblable. La date approximative se conclut d’Origène, Contre Celse, préf., 4 ; I, 8 ; IV, 54.
  2. Lucien, Alex., (traité composé après l’an 180), 12, 61.
  3. Lucien, ibid., 61.