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sans doute, mais d’une conscience morale des plus saines. Lyon, grâce à lui, fut un moment le centre d’émission des plus importants écrits chrétiens. Comme tous les grands docteurs de l’Église, Irénée trouve moyen d’associer à des croyances surnaturelles, qui aujourd’hui nous semblent inconciliables avec un esprit droit, le plus rare sens pratique. Très inférieur à Justin pour l’esprit philosophique, il est bien plus orthodoxe que lui et a laissé une plus forte trace dans la théologie chrétienne. À une foi exaltée, il unit une modération qui étonne ; à une rare simplicité, il joint la science profonde de l’administration ecclésiastique, du gouvernement des âmes ; enfin, il possède la conception la plus nette qu’on eût encore formulée de l’Église universelle. Il a moins de talent que Tertullien ; mais combien il lui est supérieur pour la conduite et le cœur ! Seul, parmi les polémistes chrétiens qui combattirent les hérésies, il montre de la charité pour l’hérétique et se met en garde contre les inductions calomnieuses de l’orthodoxie[1].

Les relations entre les Églises du haut Rhône et l’Asie devenant de plus en plus rares, l’influence latine environnante prit peu à peu le dessus. Irénée et les Asiates qui l’entourent suivent déjà pour la pâque

  1. Adv. hær., I, xxv, 5 ; III, xxv, 6, 7.