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confesseurs dans la prison. Cette question des prophéties montanistes prenait une telle importance, qu’ils se crurent obligés de dire eux-mêmes leur avis sur ce point. Irénée fut probablement encore ici leur interprète. L’extrême réserve avec laquelle il s’explique dans ses écrits sur le montanisme, l’amour de la paix qu’il porta dans toutes les controverses et qui fit dire tant de fois que nul n’avait été mieux nommé que lui Irénæos (pacifique)[1], portent à croire que son avis était empreint d’un vif désir de conciliation[2]. Avec leur jugement ordinaire, les Lyonnais se prononcèrent sans doute contre les excès, mais en recommandant une tolérance qui, malheureusement, ne fut pas toujours assez observée en ces brûlants débats.

Irénée, fixé désormais à Lyon, mais en rapports constants avec Rome, y donna le modèle de l’homme ecclésiastique accompli. Son antipathie pour les sectes (le millénarisme grossier qu’il professait, et qu’il tenait des presbyteri d’Asie, ne lui paraissait pas une doctrine sectaire), la vue claire qu’il avait des dangers du gnosticisme, lui firent écrire ces vastes livres de controverse, œuvre d’un esprit borné

  1. Eusèbe, V, xxiv, 18.
  2. Eusèbe appelle cet avis (κρίσιν) des frères de Gaule εὐλαϐῆ καὶ ὀρθοδοξοτάτην. Il n’en eût pas porté ce jugement si la pièce avait été tout à fait favorable à Montan.