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morceaux les plus extraordinaires que possède aucune littérature. Jamais on n’a tracé un plus frappant tableau du degré d’enthousiasme et de dévouement où peut arriver la nature humaine. C’est l’idéal du martyre, avec aussi peu d’orgueil que possible de la part du martyr. Le narrateur lyonnais et ses héros sont sûrement des hommes crédules ; ils croient à l’Antechrist qui va venir ravager le monde[1] ; ils voient en tout l’action de la Bête[2], du démon méchant auquel le Dieu bon accorde (on ne sait pourquoi) de triompher momentanément. Rien de plus étrange que ce Dieu qui se fait une guirlande de fleurs des supplices de ses serviteurs et se plaît à classer ses plaisirs, à désigner exprès les uns pour les bêtes, les autres pour la décapitation, les autres pour l’asphyxie en prison[3]. Mais l’exaltation, le ton mystique du style, l’esprit de douceur et le bon sens relatif qui pénètrent tout le récit inaugurent une rhétorique nouvelle et font de ce morceau la perle de la littérature chrétienne au iie siècle.

À l’épître circulaire, les frères de Gaule joignirent les lettres relatives au montanisme écrites par les

    tendre de l’auteur pour Vettius Épagathus et l’absence de toute mention d’Irénée lui-même. Cf. Œcumenius, In I Petri, iii.

  1. Eus., V, i, 5.
  2. Ὁ θήρ, i, 57 ; ii, 6.
  3. Dans Eus., V, i, 27, 36.