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tendre un cri ; recueilli en lui-même, il s’entretenait avec Dieu. Quand on fit asseoir Attale sur la chaise de fer rougie et que son corps, brûlé de tous côtés, exhala une fumée et une odeur abominables[1], il dit au peuple en latin : « C’est vous qui êtes des mangeurs d’hommes. Quant à nous, nous ne faisons rien de mal. » On lui demanda : « Quel nom a Dieu ? — Dieu, dit-il, n’a pas de nom comme un homme. » Les deux martyrs reçurent le coup de grâce, après avoir épuisé avec une pleine conscience tout ce que la cruauté romaine avait pu inventer de plus atroce.

Les fêtes durèrent plusieurs jours ; chaque jour, les combats de gladiateurs furent relevés par des supplices de chrétiens. Il est probable qu’on introduisait les victimes deux à deux, et que chaque jour vit périr un ou plusieurs couples de martyrs. On plaçait dans l’arène ceux qui étaient jeunes et supposés faibles, pour que la vue du supplice de leurs amis les effrayât. Blandine et un jeune homme de quinze ans, nommé Ponticus, furent réservés pour le dernier jour. Ils furent ainsi témoins de toutes les épreuves des autres et rien ne les ébranla. Chaque jour, on tentait sur eux un effort suprême ; on cherchait à les faire jurer par les dieux : ils s’y refusaient avec

  1. Ceux à qui ces monstruosités paraîtraient incroyables sont priés de lire Quintilien, Decl., ix, 6.