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bêtes ; on fit aussi grâce à plusieurs[1]. Comme il fallait s’y attendre, pas un confesseur ne faiblit. Les païens espéraient au moins que ceux qui avaient antérieurement apostasié renouvelleraient leur déclaration antichrétienne. On les interrogea séparément pour les soustraire à l’influence de l’enthousiasme des autres, on leur montra la mise en liberté immédiate comme conséquence de leur reniement. Ce fut là en quelque sorte le moment décisif, le fort du combat. Le cœur des fidèles restés libres qui assistaient à la scène battait d’angoisse. Alexandre le Phrygien, que tous connaissaient comme médecin et dont le zèle n’avait pas de bornes, se tenait aussi près que possible du tribunal et faisait à ceux qu’on interrogeait les signes de tête les plus énergiques pour les porter à confesser. Les païens le prenaient pour un possédé ; les chrétiens virent dans ses contorsions quelque chose qui leur rappela les convulsions de l’enfantement, le fait par lequel l’apostat rentrait dans l’Église leur paraissant une seconde naissance[2]. Alexandre et la grâce l’emportèrent. À part un petit nombre de malheureux que les supplices avaient terrifiés, les apostats se rétractèrent et s’avouèrent

  1. Cela résulte de Eus., V, 4, 3, où il est question de confesseurs survivants.
  2. Comp. Lettre, §§ 46 et 49.