Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/343

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de leur amie, éclatant par sa blancheur à l’autre extrémité de l’amphithéâtre, leur rappela celui du Christ crucifié. La joie de voir ainsi l’image du doux agneau de Dieu les rendait insensibles. Blandine, à partir de ce moment, fut Jésus pour eux. Dans les moments d’atroces souffrances, un regard jeté vers leur sœur en croix les remplissait de joie et d’ardeur.

Attale était connu de toute la ville ; aussi la foule l’appela-t-elle à grands cris. On lui fit faire le tour de l’amphithéâtre précédé d’une tablette sur laquelle était écrit en latin : hic est attalus christianus. Il marchait d’un pas ferme, avec le calme d’une conscience assurée. Le peuple demanda pour lui les plus cruels supplices. Mais le légat impérial, ayant appris qu’il était citoyen romain, fit tout arrêter et ordonna de le ramener à la prison. Ainsi finit la journée. Blandine, attachée à son poteau, attendait toujours vainement la dent de quelque bête. On la détacha et on la ramena au dépôt, pour qu’elle servît une autre fois au divertissement du peuple.

Le cas d’Attale n’était point isolé ; le nombre des accusés croissait chaque jour. Le légat se crut obligé d’écrire à l’empereur, qui, vers le milieu de l’an 177, était, ce semble, à Rome[1]. Il fallut des semaines pour attendre la réponse. Durant cet inter-

  1. Tillemont, Emp., II, p. 390-392