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nière lutte, laquelle conférait la couronne définitive[1]. Les instruments de ces tortures étaient comme échelonnés le long de la spina, et faisaient de l’arène une image du Tartare[2]. Rien ne fut épargné aux victimes. On débuta, selon l’usage, par une procession hideuse[3], où les condamnés, défilant nus devant l’escouade des belluaires, recevaient de chacun d’eux sur le dos d’affreux coups de fouet. Puis on lâcha les bêtes ; c’était le moment le plus émouvant de la journée. Les bêtes ne dévoraient pas tout de suite les victimes ; elles les mordaient, les traînaient ; leurs dents s’enfonçaient dans les chairs nues, y laissaient des traces sanglantes. À ce moment, les spectateurs devenaient fous de plaisir. Les interpellations s’entrecroisaient sur les gradins de l’amphithéâtre. Ce qui faisait, en effet, l’intérêt du spectacle antique, c’est que le public y intervenait. Comme dans les combats de taureaux en Espagne, l’assistance commandait, réglait les incidents, jugeait des coups, décidait de la mort ou de la vie. L’exaspération contre les chrétiens était telle, qu’on réclamait contre eux les sup-

  1. Cf. Lettre, § 42 ; Lucien, Hermotime, 40 ; Gruter, Inscr., p. 314. Voir ci-dessus, p. 307, la note sur κλῆρος.
  2. Lettre, §§ 51, 54, 55, 56. Voir l’Antechrist, p. 163 et suiv.
  3. C’est le sens de διεξόδους, § 38 ; cf. § 43. Comparez les Actes des martyrs d’Afrique, § 18 ; Lucien, Toxaris, 17 ; Quintilien, Declam., ix, 6 ; Martial, De spect., iv (traducta est gyris).