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un point. Il n’osa jamais nier absolument le surnaturel. Certes, nous partageons sa crainte de l’athéisme ; nous comprenons admirablement ce qu’il veut dire, quand il nous parle de son horreur pour un monde sans Dieu et sans Providence[1] ; mais ce que nous comprenons moins, c’est qu’il parle sérieusement de dieux intervenant dans les choses humaines par des volontés particulières[2]. La faiblesse de son éducation scientifique explique seule une pareille défaillance. Pour se préserver des erreurs vulgaires, il n’avait ni la légèreté d’Adrien, ni l’esprit de Lucien. Ce qu’il faut dire, c’est que ces erreurs étaient chez lui sans conséquence. Le surnaturel n’était pas la base de sa piété. Sa religion se bornait à quelques superstitions médicales[3] et à une condescendance patriotique pour de vieux usages[4]. Les initiations d’Éleusis ne paraissent pas avoir tenu grande

  1. Pensées, II, 3, 4, 11 ; III, 9, 11 ; IV, 48 ; V, 33 ; VI, 44 ; VII, 70 ; IX, 11, 27, 37 ; X, 1, 8, 25 ; XI, 20 ; XII, 2, 5, 12, 28, 31. Cf. Épictète, Diss., II, xx, 32.
  2. Il ne repoussait pas les augures, l’astrologie ; mais peut-être était-ce par nécessité politique (Capitolin, Ant. Phil., 13). Comp. Pensées, I, 6, 17.
  3. Pensées, I, 17 ; IX, 27.
  4. Dion Cassius, LXXI, 33, 34 ; Capitolin, Ant. Phil., 13 ; Ammien Marcellin, XXV, iv, 17 ; bas-reliefs de la colonne Antonine plusieurs fois. Antonin était de même extérieurement très religieux : voir Pensées, I, 16.