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La grâce était parfois indulgente pour ces malheureux, qui expiaient si chèrement un moment de surprise. Une pauvre Syrienne, de complexion fragile, originaire de Byblos, en Phénicie, avait renié le nom de Christ. Elle fut mise de nouveau à la question ; on espérait tirer de sa faiblesse et de sa timidité un aveu des monstruosités secrètes qu’on reprochait aux chrétiens. Elle revint en quelque sorte à elle-même sur le chevalet, et, comme sortant d’un profond sommeil, elle nia énergiquement toutes les assertions calomniatrices : « Comment voulez-vous, dit-elle, que des gens à qui il n’est pas permis de manger le sang des bêtes[1] mangent des enfants ? » À partir de ce moment, elle s’avoua chrétienne et suivit le sort des autres martyrs.

Le jour de gloire vint enfin pour une partie de ces combattants émérites, qui fondaient par leur foi la foi de l’avenir. Le légat fit donner exprès une de ces fêtes hideuses, consistant en exhibitions de supplices et en combats de bêtes qui, en dépit du plus humain des empereurs, étaient plus en vogue que jamais[2]. Ces horribles spectacles revenaient à des

  1. V. Saint Paul, p. 91.
  2. V. l’Antechrist, p. 163 et suiv. ; Tertullien, Ad Scap., 4 ; Lucien, Peregr., 24 ; Lucius, 54 ; Comp. Philon, In Flaccum, 10, 11. — Plebi ad pœnam donatus est. Lampride, Comm., 7. — Ad spectaculum supplicii nostri. Quint., Declam., IX, 6. —