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l’espérance de la béatitude promise, l’amour du Christ, l’esprit venant du Père[1], rendaient tout léger aux confesseurs. Les apostats, au contraire, paraissaient déchirés de remords. C’était surtout dans les trajets de la prison au tribunal que se voyait bien la différence. Les confesseurs s’avançaient d’un air tranquille et radieux ; une sorte de majesté douce et de grâce éclatait sur leur visage. Leurs chaînes semblaient la parure de fiancées ornées de tous leurs atours ; les chrétiens croyaient sentir autour d’eux ce qu’ils appelaient « le parfum de Christ[2] » ; quelques-uns prétendaient même qu’une odeur exquise s’exhalait de leur corps. Bien différents étaient les pauvres renégats. Honteux et la tête basse, sans beauté, sans dignité, ils marchaient comme des condamnés vulgaires ; les païens mêmes les traitaient de lâches et d’ignobles, de meurtriers convaincus par leur propre dire ; le beau nom de chrétien, qui rendait si fiers ceux qui le payaient de leur vie, ne leur appartenait plus. Cette différence d’allure faisait la plus forte impression. Aussi voyait-on souvent les chrétiens qu’on arrêtait s’arranger de manière à confesser de prime abord, afin de s’ôter ensuite toute possibilité de retour.

  1. Τὸ πνεῦμα τὸ πατριχόν. Eus., l. c. Se rappeler le montanisme.
  2. Comp. II Cor., ii, 14-16, χριστοῦ εὐωδία ἐσμέν.