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ger l’injure faite à leurs dieux. On ramena dans la prison le vieillard à demi mort ; au bout de deux jours, il rendit le dernier soupir.

Ce qui faisait un étrange contraste et rendait la situation tragique au premier chef, c’était l’attitude de ceux que la force des tourments avait vaincus et qui avaient renié le Christ. On ne les avait pas relâchés pour cela ; le fait qu’ils avaient été chrétiens impliquait l’aveu de crimes de droit commun, pour lesquels on les poursuivait, même après leur apostasie[1]. On ne les sépara pas de leurs confrères restés fidèles, et toutes les aggravations du régime de la prison dont souffrirent les confesseurs leur furent appliquées. Mais combien leur état était différent ! Non seulement les renégats se trouvaient n’avoir tiré aucun avantage d’un acte qui leur avait été pénible ; mais leur position était en quelque sorte pire que celle des fidèles. Ceux-ci, en effet, n’étaient poursuivis que pour le nom de chrétiens, sans qu’on formulât contre eux aucun crime spécial ; les autres étaient, par leur aveu même, sous le coup d’accusations d’homicide et de monstrueuses forfaitures. Aussi leur mine faisait-elle pitié. La joie du martyre[2],

  1. Souvent les choses se passaient autrement. Voir Minucius Félix, 28.
  2. Ἡ χαρὰ τῆς μαρτυρίας. Eus., V, I, 34.