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Le vieil évêque Pothin s’épuisait tous les jours ; l’âge et la prison le minaient[1] ; seul, le désir du martyre semblait le soutenir. Il respirait à peine, le jour où il dut comparaître devant le tribunal ; il eut cependant assez de souffle pour confesser dignement le Christ. On voyait bien, aux respects dont l’entouraient les fidèles, qu’il était leur chef religieux ; aussi une grande curiosité s’attachait-elle à lui. Dans le trajet de la prison au tribunal, les autorités de la ville le suivirent ; l’escouade de soldats qui l’entourait avait peine à le tirer de la presse ; les cris les plus divers éclataient. Comme les chrétiens étaient appelés tantôt les disciples de Pothin, tantôt les disciples de Christos, plusieurs demandaient si c’était ce vieux qui était Christos. Le légat lui posa la question : « Quel est le dieu des chrétiens ? — Tu le connaîtras, si tu en es digne », répondit Pothin. On le traîna brutalement, on le roua de coups ; sans égard pour son grand âge, ceux qui étaient près de lui le frappaient avec les poings et les pieds ; ceux qui étaient éloignés lui jetaient ce qui leur tombait sous la main ; tous se seraient crus coupables du crime d’impiété, s’ils n’avaient fait ce qui dépendait d’eux pour le couvrir d’outrages ; ils croyaient par là ven-

  1. Il n’est pas dit clairement que Pothin ait été arrêté avec les autres ; mais cela paraît le plus probable.