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pieux confesseurs vivaient de la vie de l’Église universelle avec une rare intensité. Loin de se sentir séparés de leurs frères, ils se souciaient de tout ce qui occupait la catholicité. L’apparition du montanisme était la grande affaire du moment. On ne parlait que des prophéties de Montan, de Théodote, d’Alcibiade[1]. Les Lyonnais s’y intéressaient d’autant plus qu’ils partageaient beaucoup des idées phrygiennes, et que plusieurs des leurs, tels que Alexandre le médecin, Alcibiade l’ascète, étaient au moins les admirateurs et en partie les sectateurs du mouvement parti de Pépuze. Le bruit des dissentiments qu’excitaient ces nouveautés arriva jusqu’à eux. Ils n’avaient pas d’autre entretien, et ils occupaient les intervalles de leurs tourments à discuter ces phénomènes, que sans doute ils eussent aimé à trouver vrais[2]. Forts de l’autorité que le titre de prisonnier de Jésus-Christ donnait aux confesseurs, ils écrivirent sur ce sujet délicat plusieurs lettres, pleines de tolérance et de charité. On admettait que les détenus de la foi avaient, à leurs derniers jours, une sorte de mission pour pacifier les différends des Églises et trancher les questions en suspens ; on leur attri-

  1. Ne pas confondre cet Alcibiade d’Asie avec l’Alcibiade ascète, établi à Lyon.
  2. Eus., V, ch. iii.