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tés, que les monstrueux récits que l’on faisait de l’immoralité chrétienne n’avaient rien d’exagéré[1].

L’indignation du public fut alors à son comble. Jusque-là, les fidèles qui étaient restés libres avaient trouvé quelques égards chez leurs parents, chez leurs proches, chez leurs amis ; maintenant tout le monde ne leur témoigna que du mépris. On résolut de pousser l’art du tortionnaire à ses derniers raffinements pour obtenir des fidèles aussi l’aveu des crimes qui devaient reléguer le christianisme parmi les monstruosités à jamais maudites et oubliées.

Effectivement les bourreaux se surpassèrent ; mais ils n’entamèrent pas l’héroïsme des victimes. L’exaltation et la joie de souffrir ensemble les mettaient dans un état de quasi-anesthésie[2]. Ils s’imaginaient qu’une eau divine sortait du flanc de Jésus pour les rafraîchir[3]. La publicité les soutenait. Quelle gloire d’affirmer devant tout un peuple son dire et sa foi !

  1. Comp. Justin, Apol. II, 12 ; Athénag., Leg., 35.
  2. Ce fait n’est point rare dans l’histoire des martyrs. Voir le récit du confesseur Théodore, dans Rufin, Hist. eccl., I, ch. xxxvi (comp. Théodoret, Hist. eccl., III, 11). Voir aussi Acta sincera, p. 101, 237, 287, etc. ; Actes de sainte Lucie, dans Surius, 13 déc., p. 248 ; Tertullien, Ad mart., 2 ; mêmes faits observés en Chine de nos jours : Le Blant, mém. cité ci-dessus, p. 305, note.
  3. Lettre, § 22. Comparez le récit de Théodore, loc. cit.