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toi aussi, es-tu chrétien ? » lui demanda-t-il. — « Je le suis », répondit Vettius de sa voix la plus éclatante. On ne l’arrêta pas néanmoins[1] ; sans doute, dans cette ville où la condition des personnes était fort diverse, quelque immunité le couvrit.

L’instruction fut longue et cruelle. Ceux qui n’avaient pas été arrêtés, et qui continuaient dans la ville d’être en butte aux plus mauvais traitements, ne quittaient pas les confesseurs ; en payant, ils obtenaient de les servir, de les encourager. La grande angoisse des accusés n’était pas le supplice, c’était la crainte que quelques-uns, moins bien préparés que d’autres à ces luttes terribles, ne se laissassent aller à renier le Christ. L’épreuve, en effet, se trouva trop forte pour une dizaine de malheureux, qui renoncèrent de bouche à leur foi. La douleur que causèrent ces actes de faiblesse aux détenus et aux frères qui les entouraient fut immense. Ce qui les consola, c’est que les arrestations continuaient tous les jours ;

  1. Les mots ἀνελήφθη καὶ αὐτὸς εἰς τὸν κλῆρον τῶν μαρτύρων (§ 10) et ce qui suit veulent dire qu’Épagathus eut tout le mérite du martyre, sans en avoir eu la réalité. Il est vrai que la même formule est appliquée (§§ 26 et 48) à une arrestation réelle ; mais les mots ἦν καὶ ἔστι sont décisifs, et, d’ailleurs, si Vettius Épagathus avait eu le sort des autres confesseurs, comment ne serait-il pas question de lui dans la suite ? Sur le sens de κλῆρος, quand il s’agit de combats d’athlètes, voir la note de Valois.