Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/318

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Quelquefois, en effet, arrivaient de Phrygie des produits bizarres, attestant une effervescence chrétienne qu’aucune raison ne dirigeait. Un certain Alcibiade, qui vint de ce pays se fixer à Lyon, étonna l’Église par ses macérations exagérées. Il pratiquait toutes les austérités des saints de Pépuze, pauvreté absolue, abstinences excessives. C’était presque toute la création qu’il repoussait comme impure, et on se demandait comment il pouvait vivre en se refusant aux besoins les plus évidents de la vie. Les pieux Lyonnais n’aperçurent d’abord en cela rien que de louable ; mais la façon absolue dont le Phrygien entendait les choses les inquiétait. Alcibiade leur faisait par moments l’effet d’un égaré. Il semblait, comme Tatien et beaucoup d’autres, condamner en principe toute une classe des créatures de Dieu, et il scandalisait plusieurs frères par la manière dont il érigeait son genre de vie en précepte. Ce fut bien pis, quand, arrêté avec les autres, il s’obstina à continuer ses abstinences. Il fallut une révélation céleste pour le ramener à la raison[1], comme nous le verrons bientôt.

Irénée, si ferme dans la question du marcionisme et du gnosticisme, était, en ce qui touche le montanisme, beaucoup plus indécis. La sainteté des ascètes

  1. Eus., H. E., V, ch. iii.