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Les ravages que ce triste séducteur fit dans les âmes furent terribles. On parlait de philtres, de poisons. Les pénitentes avouaient qu’il les avait totalement épuisées, qu’elles l’avaient aimé d’un amour surhumain, fatal, qui s’imposait à elles. On racontait surtout l’abominable conduite de Markos envers un diacre d’Asie qui le reçut dans sa maison avec une affection toute chrétienne. Le diacre avait une femme d’une rare beauté. Elle se laissa gagner par cet hôte dangereux et perdit la pureté de la foi en même temps que l’honneur de son corps. Depuis ce temps, Markos la traîna partout avec lui, au grand scandale des Églises. Les bons frères avaient pitié d’elle et lui parlaient avec tristesse, pour la ramener ; ils réussirent, non sans peine. Elle se convertit, avoua ses fautes et ses malheurs, passa le reste de sa vie dans une confession et une pénitence perpétuelles, racontant par humilité tout ce qu’elle avait souffert du magicien[1].

Ce qu’il y eut de pis, c’est que Markos fit des élèves, comme lui grands corrupteurs de femmes, se donnant le titre de « parfaits », s’attribuant la science transcendante, prétendant que « seuls ils avaient bu la plénitude de la gnose de l’ineffable Vertu », et que

  1. Irénée, I, xiii, 5