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à Lyon. Le caractère mystique et passionné des Lyonnaises, leur piété un peu matérielle, leur goût pour le bizarre et pour l’émotion sensible les exposaient à toutes les chutes. Ce qui se passe aujourd’hui dans le public féminin des villes du Midi de la France à l’arrivée d’un prédicateur à la mode se produisit alors[1]. La nouvelle façon de prêcher fut fort goûtée. Les plus riches dames, celles qu’on distinguait à la belle bordure de pourpre de leurs robes, furent les plus curieuses et les plus imprudentes[2]. Les chrétiennes ainsi séduites ne tardaient pas à être désabusées. Leur conscience les brûlait ; leur vie désormais était fanée. Les unes confessaient leur péché en public et rentraient dans l’église ; d’autres, par honte, n’osaient le faire et restaient dans la position la plus fausse, ni dedans ni dehors. D’autres, enfin, tombaient dans le désespoir, s’éloignaient de l’église et se cachaient, « avec le fruit qu’elles avaient tiré de leurs rapports avec les fils de la gnose », ajoute malicieusement Irénée[3].

  1. Étudier, en particulier, Fourvières et la rue montante qui y mène, l’imagerie et les objets de religion qui y sont exposés. Lyon, d’un autre côté, est une des villes où les aberrations spirites produisent le plus de dupes et où l’aliénation mentale d’un caractère mystique est le plus ordinaire.
  2. Irénée, I, xiii, 3 et suiv. ; saint Jérôme, Epist., 53 (29), t. IV, 2e part., col. 581, Martianay.
  3. Irénée, I, ch. xiii, entier, surtout § 7.