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accueille son fiancé, pour que tu sois ce que je suis et que je sois ce que tu es. Prépare ton lit à recevoir la semence de lumière. Voici la Grâce qui descend en toi ; ouvre ta bouche, prophétise ! — Mais je n’ai jamais prophétisé, je ne sais pas prophétiser », répondait la pauvre femme. Il redoublait ses invocations, effrayait, étourdissait sa victime : « Ouvre la bouche, te dis-je, et parle ; tout ce que tu diras sera prophétie. » Le cœur de l’initiée battait fort ; l’attente, l’embarras, l’idée qu’en effet peut-être elle allait prophétiser, lui faisaient perdre la tête ; elle délirait au hasard. On lui présentait ensuite ce qu’elle avait dit comme plein de sens sublimes. La malheureuse, à partir de ce moment, était perdue. Elle remerciait Markos du don qu’il lui avait communiqué, demandait ce qu’elle pouvait faire en retour, et, reconnaissant que l’abandon de tous ses biens en sa faveur était peu de chose, elle s’offrait elle-même à lui, s’il daignait l’accepter. C’étaient souvent les meilleures et les plus distinguées qui étaient ainsi surprises ; car de tous les côtés déjà on parlait de pénitentes vouées au deuil pour le reste de leur vie, qui, après avoir reçu du séducteur la communion et l’initiation prophétiques, reculaient avec horreur et venaient demander à l’Église orthodoxe le pardon et l’oubli.

Un tel homme était particulièrement dangereux