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Valentin était une sorte de bel esprit, qui jamais sûrement n’eût réussi ni à remplacer l’Église catholique ni à en saisir la direction. Le gnosticisme remonta le Rhône en la personne d’un docteur bien plus dangereux, je veux dire de ce Markos[1] qui séduisait les femmes par une manière étrange de célébrer l’Eucharistie et par l’audace avec laquelle il leur faisait croire qu’elles avaient le don de prophétie. Sa façon d’administrer les sacrements entraînaient les plus dangereuses privautés. Feignant d’être le dispensateur de la grâce, il persuadait les femmes qu’il était dans le secret de leurs anges gardiens, qu’elles étaient destinées à un rang éminent dans son Église, et il leur ordonnait de se préparer à l’union mystique avec lui. « De moi et par moi, leur disait-il, tu vas recevoir la Grâce. Dispose-toi comme une fiancée qui

  1. Voir ci-dessus, p. 127 et suiv. Si l’on s’en tenait au passage d’Irénée, I, xiii, 7, on n’aurait pas le droit d’affirmer que Markos soit venu personnellement à Lyon ; mais l’ensemble du chapitre semble le supposer, et saint Jérôme l’a entendu ainsi. Epist., 53 (alias 29), ad Theodoram, t. IV de Martianay, 2e part., p. 581. Seulement on ne voit pas sur quoi saint Jérôme s’appuie pour envoyer Markos dans la région de la Garonne, dans les Pyrénées, en Espagne, continuer ses séductions. Ces contrées avaient, au iie siècle, bien peu d’Églises. Il semble, du reste, que, dès son séjour en Asie, Markos avait été énergiquement combattu par les maîtres et les amis d’Irénée ; ce docteur cite des autorités de presbyteri qui semblent dirigées contre lui. Gebh. et Harn., Patres apost., I, ii, p. 105, 106, 107, 112.