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Ainsi, Adrien, ton aïeul, en écrivit à diverses reprises, et en particulier au proconsul Fundanus, gouverneur d’Asie. Et ton père, à l’époque où tu lui étais associé dans l’administration des affaires, écrivit aux villes de ne rien innover à notre égard, spécialement aux Larisséens, aux Thessaloniciens, aux Athéniens et à tous les Grecs[1]. Quant à toi, qui as pour nous les mêmes sentiments, avec un degré encore plus élevé de philanthropie et de philosophie, nous sommes sûrs que tu feras ce que nous te demandons.


Le système des apologistes si chaudement soutenu par Tertullien[2], d’après lequel les bons empereurs ont favorisé le christianisme et les mauvais empereurs l’ont persécuté, était déjà complètement éclos. Nés ensemble, le christianisme et Rome avaient grandi ensemble, prospéré ensemble. Leurs intérêts, leurs souffrances, leur fortune, leur avenir, tout était en commun[3]. Les apologistes sont des avocats, et les avocats de toutes les causes se ressemblent. On a des arguments pour toutes les situations et pour tous les goûts. Il s’écoulera près de cent cinquante ans avant

  1. Ces pièces attribuées à Antonin étaient apocryphes. Voir l’Église chrét., p. 301-302. Eusèbe, IV, ch. xiii.
  2. Tertullien, Apol., 5.
  3. L’auteur du poème sibyllin XI-XIV énonce la même idée. (XII, 30-36, 230-235). Tertullien, Apol., 21, n’est qu’à moitié d’un avis contraire. Le christianisme et l’empire sont pour lui deux choses opposées ; cependant les synchronismes ne laissent pas de le frapper.