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avaient succédé sans transition à un long hiver. Les Quades trouvèrent moyen de couper aux envahisseurs l’approvisionnement d’eau. L’armée était dévorée par la soif, épuisée de fatigues, égarée dans une impasse, où les barbares l’attaquèrent avec tous les avantages. Les Romains répondaient faiblement aux coups de l’ennemi, et l’on pouvait craindre un désastre, quand tout à coup un terrible orage s’amoncela. Une pluie serrée tomba sur les Romains et les rafraîchit. On prétendit, au contraire, que la foudre et la grêle se tournèrent contre les Quades et les effrayèrent, au point qu’une partie d’entre eux se jeta éperdue dans les rangs des Romains.

Tout le monde crut à un miracle. Jupiter s’était évidemment prononcé pour sa race latine. La plupart attribuèrent le prodige aux prières de Marc-Aurèle. On fit des tableaux, où on voyait le pieux empereur suppliant les dieux et disant : « Jupiter, j’élève vers toi cette main qui n’a jamais fait couler le sang[1]. » La colonne Antonine consacra ce souvenir. Jupiter Pluvius s’y montre sous la figure d’un vieillard ailé, dont les cheveux, la barbe, les bras laissent échapper des torrents d’eau, que les Romains recueillent dans leurs casques et leurs boucliers, tandis que les bar-

  1. C’était la version officielle : Capitolin, Claudien, Thémistius, Carm. sib., XII.