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croire sans démonstration ; il ne s’agit pas de certitude, il s’agit de foi. Voilà ce qu’oublie un certain déisme, avec ses habitudes d’affirmation intempérante. Il oublie que les croyances trop précises sur la destinée humaine enlèveraient tout mérite moral. Pour nous, on nous annoncerait un argument péremptoire en ce genre, que nous ferions comme saint Louis, quand on lui parle de l’hostie miraculeuse : nous refuserions d’aller voir. Qu’avons-nous besoin de ces preuves brutales, qui n’ont d’application que dans l’ordre grossier des faits, et qui gêneraient notre liberté ? Nous craindrions d’être assimilés à ces spéculateurs de vertu ou à ces peureux vulgaires, qui portent dans les choses de l’âme le grossier égoïsme de la vie pratique. Dans les premiers jours qui suivirent l’établissement de la foi à la résurrection de Jésus, ce sentiment se produisit de la façon la plus touchante. Les vrais amis de cœur, les délicats aimèrent mieux croire sans preuve que de voir : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ! » devint le mot de la situation. Mot charmant ! symbole éternel de l’idéalisme tendre et généreux qui a horreur de toucher de ses mains ce qui ne doit être vu qu’avec le cœur !

Notre bon Marc-Aurèle, sur ce point comme sur tous les autres, devança les siècles. Jamais il ne se