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Jamais on n’écrivit plus simplement pour soi, à seule fin de décharger son cœur, sans autre témoin que Dieu. Pas une ombre de système. Marc-Aurèle, à proprement parler, n’a pas de philosophie ; quoiqu’il doive presque tout au stoïcisme transformé par l’esprit romain, il n’est d’aucune école. Selon notre goût, il a trop peu de curiosité ; car il ne sait pas tout ce que pouvait savoir un contemporain de Ptolémée et de Galien ; il a sur le système du monde quelques opinions qui n’étaient pas au niveau de la plus haute science de son temps. Mais sa pensée morale, ainsi dégagée de tout lien avec un système, y gagne une singulière élévation. L’auteur du livre de l’Imitation lui-même, quoique fort détaché des querelles d’école, n’atteint pas jusque-là ; car sa manière de sentir est essentiellement chrétienne ; ôtez les dogmes chrétiens, son livre ne garde plus qu’une partie de son charme. Le livre de Marc-Aurèle, n’ayant aucune base dogmatique, conservera éternellement sa fraîcheur. Tous, depuis l’athée ou celui qui se croit tel, jusqu’à l’homme le plus engagé dans les croyances particulières de chaque culte, peuvent y trouver des fruits d’édification. C’est le livre le plus purement humain qu’il y ait. Il ne tranche aucune question controversée. En théologie, Marc-Aurèle flotte entre le déisme pur, le polythéisme