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mener une vie de travail et de fatigue. Il n’avait pas ce qu’on appelle de l’esprit[1], et il eut très peu de passions[2]. L’esprit va bien rarement sans quelque malignité ; il habitue à prendre les choses par des tours qui ne sont ceux ni de la parfaite bonté ni du génie. Marc ne comprit parfaitement que le devoir. Ce qui lui manqua, ce fut, à sa naissance, le baiser d’une fée, une chose très philosophique à sa manière, je veux dire l’art de céder à la nature, la gaieté, qui apprend que l’abstine et sustine n’est pas tout et que la vie doit aussi pouvoir se résumer en « sourire et jouir ».

Dans tous les arts, il eut pour maîtres les professeurs les plus éminents : Claudius Severus qui lui enseigna le péripatétisme ; Apollonius de Chalcis, qu’Antonin avait fait venir d’Orient exprès pour lui confier son fils adoptif, et qui paraît avoir été un parfait précepteur ; Sextus de Chéronée, neveu de Plutarque, stoïcien accompli ; Diognète, qui lui fit aimer l’ascétisme ; Claudius Maximus, toujours plein de belles sentences ; Alexandre de Cotyée, qui lui apprit le grec ; Hérode Atticus, qui lui récitait les anciennes harangues d’Athènes[3]. Son extérieur était

  1. Pensées, V, 5.
  2. Pensées, VIII, 1 ; cf. I, 22.
  3. Capit., Ant. le Pieux, 10 ; Ant. le Phil., 2, 3 ; Pensées, I,