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ment la tactique, dont on abusa plus tard, d’opposer les barbares aux barbares.

Paternel et philosophe avec ces hordes à demi sauvages, il s’obstinait, par respect pour lui-même, à conserver envers elles des égards qu’elles ne comprenaient pas, à la façon d’un gentilhomme qui, par gageure de dignité personnelle, traiterait des Peaux-Rouges comme des gens bien élevés. Il leur prêchait naïvement la raison et la justice, et il finit par leur inspirer du respect[1]. Peut-être, sans la révolte d’Avidius Cassius, eût-il réussi à faire une province de Marcomannie (Bohême), une autre de Sarmatie (Galicie) et à sauver l’avenir[2]. Il admit sur une large échelle le soldat germain dans les légions ; il accorda des terres en Dacie, en Pannonie, en Mésie, dans la Germanie romaine, à ceux qui voulaient travailler[3], mais maintint très ferme la limite militaire, établit une rigoureuse police sur le Danube et ne laissa pas une seule fois le prestige de l’empire souffrir des concessions que lui arrachaient la politique et l’humanité.

Ce fut dans le cours d’une de ces expéditions que,

  1. Statue équestre, maintenant au Capitole ; bas-reliefs de l’arc de triomphe de Marc-Aurèle ; colonne Antonine ; v. ci-dessus, p. 47.
  2. Dion Cassius, LXXI, 17.
  3. Capitolin, 24.