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lot dans le temple de Mars, le plonger dans le sang, le lancer vers le point du ciel où était l’ennemi[1]. On arma tout, esclaves, gladiateurs, bandits, diogmites (agents de police) ; on soudoya des bandes germaniques contre les Germains ; on fit argent des objets précieux du garde-meuble impérial, pour éviter d’établir de nouveaux impôts.

La vie de Marc-Aurèle presque entière se passa désormais dans la région du Danube, à Carnonte[2] près de Vienne, ou à Vienne même, sur les bords du Gran, en Hongrie, parfois à Sirmium[3]. Son ennui était immense ; mais il savait vaincre son ennui. Ces insipides campagnes contre les Quades et les Marcomans furent très bien conduites ; le dégoût qu’il en éprouvait ne l’empêchait pas d’y mettre l’application la plus consciencieuse. L’armée l’aimait et fit parfaitement son devoir. Modéré même envers les ennemis, il préféra un plan de campagne long, mais sûr, à des coups foudroyants ; il délivra complètement la Pannonie, repoussa tous les barbares sur la rive gauche du Danube, fit même de grandes pointes au-delà de ce fleuve, et pratiqua prudem-

  1. Dion Cassius, LXXI, 33.
  2. Petronell, près de Haimburg. Pensées, l. II, fin ; lettre apocr. à la suite de l’Apol. I de saint Justin.
  3. Philostrate, Soph., II, i, 26 ; Tertullien, Apol., 25.