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pire, voilà quel aurait dû être le programme des Romains éclairés, s’ils avaient été mieux renseignés sur l’état de l’Europe et de l’Asie, sur la géographie et l’ethnographie comparées.

L’expédition mal concertée de Varus (an 10 de J.-C.) et le vide éternel qu’elle laissa dans les numéros des légions furent comme un épouvantail qui détourna la pensée romaine de la grande Germanie. Tacite, seul, vit l’importance de cette région pour l’équilibre du monde. Mais l’état de division où étaient les tribus germaniques endormait les inquiétudes que les esprits sagaces auraient dû concevoir. Tandis que ces peuplades, en effet, plus portées vers l’indépendance locale que vers la centralisation, ne formaient pas d’agrégat militaire, elles donnaient peu à craindre. Mais leurs confédérations étaient redoutables. On sait quelles conséquences eut celle qui se forma, au iiie siècle, sur la rive droite du Rhin, sous le nom de Francs. Vers l’an 166, une ligue puissante se forma en Bohême, en Moravie et dans le nord de la Hongrie actuelle. Les noms d’une foule de peuplades, qui devaient plus tard remplir le monde, furent entendus pour la première fois. La grande poussée des barbares commençait ; les Germains, jusque-là inattaquables, attaquaient. La digue crevait sur le Danube, dans la région de l’Autriche