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aimèrent à se donner, ou par ces gladiateurs superbes qui, dévoilant tout à coup dans l’amphithéâtre la beauté de leurs formes nues, faisaient éclater l’admiration de l’assistance[1]. Conquérir pas à pas ce monde impénétrable, reculer lieue par lieue les limites de la civilisation ; pour cela, s’établir fortement en Bohême, dans ce quadrilatère central de l’Europe, où il devait y avoir encore un fond considérable de Boïens celtiques ; de là, s’avancer comme les défricheurs américains, détruire arbre par arbre la forêt Hercynienne, substituer des colonies à des tribus sans attache avec le sol, fixer et civiliser ces populations pleines d’avenir, faire bénéficier l’empire de leurs rares qualités, de leur solidité, de leur force corporelle, de leur énergie ; porter les vraies frontières de l’empire, d’un côté, sur l’Oder ou la Vistule, de l’autre, sur le Pruth ou le Dniester, et donner ainsi à la partie latine de l’empire une prépondérance décidée, qui eût empêché le schisme de la partie grecque et orientale ; au lieu de bâtir cette funeste Constantinople, mettre la seconde capitale à Bâle ou à Constance, et assurer ainsi, pour le grand bien de l’empire, aux peuples celto-germains l’hégémonie politique qu’ils devaient conquérir plus tard sur les ruines de l’em-

  1. Tacite, Germ., 20.