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de Thécla[1]. Bien autrement scabreux et irritant est le roman des saints Nérée et Achillée[2] ; on ne fut jamais plus voluptueusement chaste ; on ne traita jamais du mariage avec une plus naïve impudeur. Qu’on lise, dans Grégoire de Tours, la délicieuse légende des deux Amants d’Auvergne[3] ; dans les Actes de Jean, le piquant épisode de Drusiana[4] ; dans les Actes de Thomas, le récit des Fiancés de l’Inde[5] ; dans saint Ambroise[6], l’épisode de la vierge d’Antioche au lupanar ; on comprendra que les siècles qui se nourrirent de tels récits purent, sans mérite, se figurer avoir renoncé à l’amour profane. Un des mystères le plus profondément entrevus par les fondateurs du christianisme, c’est que la chasteté est une volupté[7] et que la pudeur est une des formes de

  1. Voir l’Égl. chrét., p. 523. Dans le titre des Actes grecs, Thécla porte le titre de ἀπόστολος, pris au féminin. Le latin porte apostolatu defuncta. Le texte publié par Grabe et Tischendorf diffère peu, ce semble, du texte primitif.
  2. Cet écrit, ainsi que la Passio Petri et Pauli de pseudo-Lin, avec laquelle il a des liens de parenté, paraît du iiie siècle.
  3. Grégoire de Tours, Hist. Franc., I, 42.
  4. Pseudo-Abdias, l. V, chap. 4 et suiv. (d’après Leucius). Il y a là peut-être quelque imitation de la Matrone d’Éphèse. Cf. Tertullien, De resurr., 8.
  5. Dans Tisch., Acta apocr., 192 et suiv. ; Pseudo-Abdias, 4.
  6. De virginibus, II, 4.
  7. Voir Saint Paul, p. 242 et suiv.