Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gnés d’une forte saveur d’amour captif, mêlant les plus fines images d’une esthétique savante aux rêves les plus fanatiques, ouvrirent la série de ces œuvres de volupté austère. La recherche du martyre devient une fièvre impossible à dominer[1]. Les circoncellions, courant le pays par troupes folles pour chercher la mort, forçant les gens à les martyriser, traduisirent en actes épidémiques ces accès de sombre hystérie[2].

La chasteté dans le mariage resta une des bases de l’intérêt des romans chrétiens. Or, c’était bien là encore une idée montaniste. Comme le faux Hermas, les montanistes remuent sans cesse la cendre périlleuse qu’on peut bien laisser dormir avec ses feux cachés, mais qu’il est imprudent d’éteindre violemment. Les précautions qu’ils prennent à cet égard témoignent d’une certaine préoccupation, plus lascive au fond que la liberté de l’homme du monde ; en tout cas, ces précautions sont de celles qui aggravent le mal, ou du moins le décèlent, le mettent à vif. Une tendresse excessive à la tentation se laisse conclure de cette crainte exagérée de la beauté, de ces interdictions contre la toilette des femmes et sur-

  1. Tertullien, De fuga, 6, 9, 14.
  2. Mémoires de l’Acad. des Inscr., t. XXVIII, 2e part., p. 343 et suiv. (Le Blant).