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séculier tous les saints de Phrygie, si un pareil sacrifice avait été le prix de l’alliance qui eût mis entre leurs mains la direction spirituelle du monde.

Les charismes, enfin, et autres exercices surnaturels, excellents pour entretenir la ferveur de petites congrégations d’illuminés, devenaient impraticables dans de grandes Églises. La sévérité extrême pour les règles de la pénitence était une absurdité et un non-sens, si l’on aspirait à être autre chose qu’un conciliabule de soi-disant purs. Un peuple n’est jamais composé d’immaculés et le simple fidèle a besoin d’être admis à se repentir plus d’une fois. Il fut donc admis qu’on peut être membre de l’Église sans être un héros ni un ascète, qu’il suffit pour cela d’être soumis à son évêque. Les saints réclameront ; la lutte de la sainteté individuelle et de la hiérarchie ne finira plus ; mais la moyenne l’emportera ; il sera possible de pécher sans cesser d’être chrétien. La hiérarchie préférera même le pécheur qui emploie les moyens ordinaires de réconciliation à l’ascète orgueilleux qui se justifie lui-même ou qui croit n’avoir pas besoin de justification.

Il ne sera néanmoins donné à aucun de ces deux principes d’expulser l’autre entièrement. À côté de l’Église de tous, il y aura l’Église des saints ; à côté du siècle, il y aura le couvent ; à côté du simple