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Le schisme est le crime ecclésiastique par excellence. De même que, pour le dogme, l’Église chrétienne possédait déjà un centre d’orthodoxie qui taxait d’hérésie tout ce qui sortait du type reçu, de même elle avait une morale moyenne, qui pouvait être celle de tout le monde et n’entraînait pas forcément, comme celle des abstinents, la fin de l’univers. En repoussant les gnostiques, l’Église avait repoussé les raffinés du dogme ; en rejetant les montanistes, elle rejetait les raffinés de sainteté. Les excès de ceux qui rêvaient une Église spirituelle, une perfection transcendante, venaient se briser contre le bon sens de l’Église établie. Les masses, déjà considérables, qui entraient dans l’Église y faisaient la majorité, et en abaissaient la température morale au niveau du possible.

En politique, la question se posait de la même manière. Les exagérations des montanistes, leurs déclamations furibondes contre l’empire romain, leur haine contre la société païenne ne pouvaient être le fait de tous. L’empire de Marc-Aurèle était bien différent de celui de Néron. Avec celui-ci, il n’y avait pas de réconciliation à espérer ; avec celui-là, on pouvait s’entendre. L’Église et Marc-Aurèle poursuivaient, à beaucoup d’égards, le même but. Il est clair que les évêques eussent abandonné au bras