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puritains aux choses éternelles ne les détachait pas tout à fait de la terre. La secte avait une caisse centrale de propagande. Des quêteurs allaient de tous les côtés provoquer les offrandes. Les prédicateurs touchaient un salaire ; les prophétesses, en retour des séances qu’elles donnaient ou des audiences qu’elles accordaient, recevaient de l’argent, des habits, des cadeaux précieux[1]. On voit quelle prise cela donnait contre les prétendus saints. Ils avaient leurs confesseurs et leurs martyrs[2], et c’était ce qui attristait le plus les orthodoxes ; car ceux-ci eussent voulu que le martyre fût le critérium de la vraie Église. Aussi n’épargnait-on pas les médisances pour diminuer le mérite de ces martyrs sectaires. Thémison, ayant été arrêté, échappa, disait-on, aux poursuites à prix d’argent. Un certain Alexandre fut aussi emprisonné ; les orthodoxes n’eurent de repos que quand ils l’eurent présenté comme un voleur qui méritait parfaitement son sort et avait un dossier judiciaire dans les archives de la province d’Asie[3].

  1. Apollonius, dans Eus., V, xviii, 4, 11.
  2. Eusèbe, H. E., V, ch. xvi et xviii. Cf. Mansi, Concil., II, col. 570, no  34.
  3. L’Anonyme dans Eus., H. E., V, xvi, 12 et suiv. ; Apollonius, dans Eus., H. E., V, xviii, 6 et suiv. Cf. Constit. apost., V, 9.