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évêques de Thrace[1], refusèrent de prendre au sérieux les illuminés de Pépuze. Presque tous déclarèrent la prophétie individuelle subversive de l’Église[2] et traitèrent Priscille de possédée. Quelques évêques orthodoxes, en particulier Sotas d’Anchiale et Zotique de Comane, voulurent même l’exorciser ; mais les Phrygiens les en empêchèrent[3]. Quelques notables, d’ailleurs, comme Thémison, Théodote, Alcibiade[4], Proclus, cédèrent à l’enthousiasme général et se mirent à prophétiser à leur tour. Théodote, surtout, fut comme le chef de la secte après Montanus et son principal zélateur[5]. Quant aux simples gens, ils étaient tous ravis. Les sombres oracles des prophétesses étaient colportés au loin et commentés. Une véritable Église se forma autour d’elles. Tous les dons de l’âge apostolique, en particulier la glossolalie[6] et les extases, se renouvelèrent. On se laissait aller trop facilement à ce raisonnement dangereux : « Pourquoi ce qui a eu lieu n’aurait-il pas lieu encore ? La généra-

  1. Eusèbe, H. E., V, xvi et suiv., surtout xix (d’après l’Anonyme et Sérapion).
  2. V. surtout Eusèbe, H. E., V, ch. xvii.
  3. Eus., H. E., V, xviii, 13 ; xix, 3. Cf. V, xvi.
  4. Sur la vraie leçon d’Eus., H. E., V, xvi, 3, et du Canon de Muratori, lig. 80-81, voir les discussions de Hesse et de Nolte. Cf. Eus., V, iii, 4.
  5. L’Anonyme, dans Eus., V, xvi, 14 ; cf. Eus., V, iii, 4.
  6. Λαλεῖν καὶ ξενοφωνεῖν.