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en soutenant qu’après elle il n’y aurait plus d’autre prophétie[1] jusqu’à la fin des temps.

Ce n’était pas seulement la prophétie, c’étaient toutes les fonctions du clergé que cette chrétienté bizarre prétendait attribuer aux femmes. Le presbytérat, l’épiscopat, les charges de l’Église à tous les degrés leur étaient dévolus. Pour justifier cette prétention, on alléguait Marie, sœur de Moïse, les quatre filles de Philippe, et même Ève, pour laquelle on plaidait les circonstances atténuantes et dont on faisait une sainte[2]. Ce qu’il y avait de plus étrange dans le culte de la secte était la cérémonie des pleureuses ou vierges lampadophores, qui rappelle à beaucoup d’égards les « réveils » protestants d’Amérique. Sept vierges portant des flambeaux, vêtues de blanc, entraient dans l’église, poussant des gémissements de pénitence, versant des torrents de larmes et déplorant par des gestes expressifs la misère de la vie humaine. Puis commençaient les scènes d’illuminisme. Au milieu du peuple, les vierges étaient prises d’enthousiasme, prêchaient, prophétisaient, tombaient en extase. Les assistants éclataient en sanglots et sortaient pénétrés de componction[3].

  1. Épiph., hær. xlviii, 2.
  2. Épiph., xlix, 2.
  3. Épiph., xlix, 2 ; Tertullien, De bapt., 1, 17 ; Præscr. hær., 41. Cf. Conc. de Laodicée, dans Mansi, Conc., II, col. 569.