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un élément orgiastique et corybantique, propre au pays, et tout à fait en dehors des habitudes réglées de la prophétie ecclésiastique, déjà assujettie à une tradition. Tout ce monde crédule était de race phrygienne, parlait phrygien[1]. Dans les parties les plus orthodoxes du christianisme, d’ailleurs, le miraculeux passait pour une chose toute simple[2]. La révélation n’était pas close ; elle était la vie de l’Église. Les dons spirituels, les charismes apostoliques[3] se continuaient dans beaucoup de communautés ; on les alléguait en preuve de la vérité. On citait Agab, Judas, Silas, les filles de Philippe, Ammias de Philadelphie, Quadratus[4] comme ayant été favorisés de l’esprit prophétique. On admettait même en principe que le charisme prophétique durerait dans l’Église par une succession non interrompue jusqu’à la venue du Christ[5]. La croyance au Paraclet, conçu comme une source d’inspiration permanente pour les fidèles, entretenait ces idées. Qui ne voit combien une telle

  1. Épiphane, xlviii, 14.
  2. Eus., H. E., V, iii, 4 ; l’Anonyme contre les cataphryges, dans Eus., V, xvii, 4. Cf. Justin, Dial., 11, 30, 39, 87 ; Irénée, II, ch. 31, 32 ; V, 6 ; Eus., H. E., V, 7.
  3. Eusèbe, V, iii, 4 ; παραδοξοποιΐαι τοῦ θείου χαρίσματος.
  4. L’Anonyme, dans Eus., H. E., V, xvii, 3. Cf. Eus., III, xxxvii, 1.
  5. L’Anonyme, dans Eus. V, xvii, 4.