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milieu de cet affaissement général, avec ce qu’elles avaient de sévère et d’effrayant. Le fanatisme, que mitigeait le bon sens orthodoxe, faisait des espèces d’éruptions, comme un volcan comprimé.

Le plus remarquable de ces retours fort naturels vers l’esprit apostolique fut celui qui se produisit en Phrygie, sous Marc-Aurèle[1]. Ce fut quelque chose de tout à fait analogue à ce que nous voyons se passer de notre temps, en Angleterre et en Amérique, chez les irvingiens et les saints des derniers jours. Des esprits simples et exaltés se crurent appelés à renouveler les prodiges de l’inspiration individuelle, en dehors des chaînes déjà lourdes de l’Église et de

  1. La date de l’apparition du montanisme est incertaine. La seule autorité sérieuse est celle de l’anonyme cité par Eusèbe, (H. E., IV, xvi, 7), qui place cet événement sous le proconsulat de Gratus. Eusèbe, dans sa Chronique, suppose que ce proconsulat tomba en 171 ou 172 (p. 172-173, Schœne) ; mais Eusèbe faisait ces supputations par à peu près, et nous avons vu (à propos des martyres de Polycarpe, de Justin et de Sagaris) qu’en général il rabaissait trop les dates. Aucune donnée ne permet, d’ailleurs, de fixer le proconsulat de Gratus (Waddington, Fastes, p. 237). Ce qui concerne Apollinaire (Eus., IV, chap. xxvii) conduit vers 165-170. Ce qui concerne les martyrs de Lyon (Eusèbe, V, iii, 4 : ἄρτι τοτὲ πρῶτον…) conduirait un peu plus tard ; cependant le Phrygien Alexandre, qui semble avoir apporté à Lyon les idées montanistes, était en Gaule « depuis plusieurs années » quand il fut martyrisé en 177 (Eus., V, i, 49). Épiphane (Hær., xliii, 1) nous reporterait à l’an 156-157 ; mais Épiphane est ici confus et contradictoire. Voir Hær, xlviii, 1, 2 (cf. xlvi, 1) ; li, 33.