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traste devenait chaque jour moins tranché entre l’Église et le monde environnant. Il était inévitable que des rigoristes trouvassent qu’on s’enfonçait dans la fange de la plus dangereuse mondanité, et qu’il s’élevât un parti de piétistes pour combattre la tiédeur générale, pour continuer les dons surnaturels de l’Église apostolique, et préparer l’humanité, par un redoublement d’austérités, aux épreuves des derniers jours.

Déjà nous avons vu le pieux auteur d’Hermas pleurer sur la décadence de son temps et appeler de ses vœux une réforme qui fît de l’Église un couvent de saints et de saintes. Il y avait, en effet, quelque chose de peu conséquent dans l’espèce de quiétude où s’endormait l’Église orthodoxe, dans cette morale tranquille à laquelle se réduisait de plus en plus l’œuvre de Jésus. On négligeait les prédictions si précises du fondateur sur la fin du monde présent et sur le règne messianique qui devait venir ensuite. L’apparition prochaine dans les nues était presque oubliée. Le désir du martyre, le goût du célibat, suites d’une telle croyance, s’affaiblissaient. On acceptait des relations avec un monde impur, condamné à bientôt finir ; on pactisait avec la persécution, et l’on cherchait à y échapper à prix d’argent. Il était inévitable que les idées qui avaient formé le fond du christianisme naissant reparussent de temps en temps, au