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traire, les anciens qui t’ont précédé, lesquels, je le répète, n’observaient pas, envoyaient l’eucharistie aux anciens des Églises qui observaient[1]. Et quand le bienheureux Polycarpe vint à Rome sous Anicet, tous deux se donnèrent dès l’abord le baiser de paix ; ils avaient entre eux quelques petites difficultés ; quant à ce point-là, ils n’en firent pas même l’objet d’une discussion. Car ni Anicet n’essaya de persuader à Polycarpe d’abandonner une pratique qu’il avait toujours gardée et qu’il tenait de son commerce avec Jean, le disciple du Seigneur, et avec les autres apôtres ; ni Polycarpe n’essaya d’entraîner Anicet, celui-ci disant qu’il devait garder la coutume des anciens qui l’avaient précédé. En cet état de choses, ils communièrent l’un avec l’autre, et, dans l’église, Anicet céda à Polycarpe la consécration eucharistique, pour lui faire honneur, et ils se séparèrent l’un de l’autre en pleine paix, et il fut constaté que les observants comme les non-observants étaient, chacun de leur côté, en concorde avec l’Église universelle.


Cet acte de rare bon sens, qui ouvre si glorieusement les annales de l’Église gallicane, empêcha le schisme de l’Orient et de l’Occident de se produire dès le iie siècle. Irénée écrivit de tous les côtés aux évêques, et la question demeura libre pour les Églises d’Asie. Naturellement, Rome continua sa propagande contre la pâque du 14 de nisan. Un prêtre romain, Blastus, qui prétendit établir l’usage asia-

  1. Voir la note de Valois et les raisons qu’il donne contre l’interprétation de Beatus Rhenanus, récemment soutenue par M. l’abbé Duchesne. Revue des quest. hist., 1er juillet 1880, p. 12-13.