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la province la plus illustre, parce qu’elle ne faisait pas plier ses traditions devant la discipline romaine. Il publia un décret en vertu duquel les Églises d’Asie étaient mises au ban de la communion chrétienne[1]. Mais les autres évêques s’opposèrent à cette mesure violente et rappelèrent Victor à la charité[2]. Irénée, de Lyon, en particulier, qui, par la nécessité du monde où il se trouvait transporté, avait accepté, pour lui et pour ses Églises des Gaules, la coutume occidentale, ne put supporter la pensée que les Églises mères d’Asie, auxquelles il se sentait attaché par le fond de ses entrailles, fussent séparées du corps de l’Église universelle. Il dissuada énergiquement Victor d’excommunier les Églises qui s’en tenaient à la tradition de leurs pères, et lui rappela les exemples de ses prédécesseurs plus tolérants :


Oui, les anciens qui présidèrent avant Soter à l’Église que tu conduis maintenant, nous voulons dire Pius, Hygin, Télesphore, Xyste, n’observèrent pas la pâque juive et ne permirent pas à leur entourage de l’observer ; mais, tout en ne l’observant pas, ils n’en gardaient pas moins la paix avec les membres des Églises qui l’observaient, quand ceux-ci venaient vers eux, quoique cette observance, au milieu de gens qui n’observaient pas, rendît le contraste plus frappant. Jamais personne ne fut repoussé pour ce motif ; au con-

  1. Στηλιτεύει διὰ γραμμάτων ἀκοινωνήτους ἀνακηρύττων.
  2. Eusèbe eut leurs lettres entre les mains.