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voyant cette fête au dimanche qui venait après le 14 de nisan et l’identifiant avec la fête de la résurrection. L’Asie n’avait pas suivi le mouvement ; sur ce point, elle était restée, si on peut le dire, arriérée. La majorité des évêques d’Asie, fidèle à la tradition des anciens Évangiles, et alléguant surtout Matthieu, voulait que Jésus, avant de mourir, eût mangé la pâque avec ses disciples le 14 de nisan ; ils célébraient en conséquence cette fête le même jour que les juifs, quelque jour de la semaine qu’elle tombât. Ils alléguaient, en faveur de leur opinion, l’Évangile[1], l’autorité de leurs prédécesseurs, les prescriptions de la Loi, le canon de la foi et surtout l’autorité des apôtres Jean et Philippe, qui avaient vécu parmi eux, sans s’arrêter pour Jean à une singulière contradiction[2]. Il est plus que probable, en effet, que l’apôtre Jean célébra toute sa vie la Pâque le 14 de nisan ; mais, dans l’Évangile qu’on lui attribuait, il semble enseigner une tout autre doctrine, traite dédaigneusement l’ancienne pâque de fête juive[3], et fait mourir Jésus le jour même où l’on mangeait l’agneau, comme

  1. Polycr., dans Eus., V, xxiv, 6.
  2. Polycrate, par exemple, qui fait de Jean un partisan de l’usage juif, admet cependant le quatrième Évangile (circonstance de l’ἐπὶ τὸ στῆθος).
  3. Τὸ πάσχα, ἡ ἑορτὴ τῶν ἰουδαίων. Jean, vi, 4. Cf. Col., ii, 16.