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mée avec plus de force. La vérité, selon l’auteur, se révèle d’elle-même à l’homme et, si celui-ci ne la voit pas, c’est sa faute. Se tromper avec le grand nombre n’est pas une excuse ; l’erreur multipliée n’en est que plus funeste. Dieu est l’être immuable, incréé ; le confondre avec tel ou tel élément est un crime, « maintenant surtout que la révélation de la vérité a été entendue dans toute la terre ». La Sibylle l’avait déjà dit[1] : les idoles ne sont pas autre chose que les images de rois morts qui se sont fait adorer. On prendrait pour un fragment retrouvé de Philon de Byblos, nous exposant le vieil évhémérisme phénicien de Sanchoniathon[2], la curieuse page où Méliton, puisant à pleines mains dans les fables les plus singulières de la mythologie grecque et de la mythologie syrienne, bizarrement amalgamées aux récits bibliques, cherche à nous prouver que les dieux sont des personnages jadis réels, qui ont été divinisés à cause des services qu’ils ont rendus à certains pays, ou de la terreur qu’ils ont inspirée[3]. Le culte des Césars lui paraît la continuation de cette pratique.

  1. Cureton, p. 43, 86, 87. On ne voit pas bien à quel écrit sibyllin l’auteur fait ici allusion.
  2. Voir aussi Maxime de Tyr, viii, 8 ; Tatien, Adv. Gr., 8.
  3. Pages 8-10 de ma traduction. Cf. Mém. de l’Acad. des inscr., t. XXIII, 2e partie, p. 319 et suiv.