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rité », semble nous être parvenu[1]. Les railleries du monothéisme contre l’idolâtrie y sont pleines d’amertume, et la haine des images ne s’est jamais expri-

  1. C’est l’opuscule conservé en syriaque (Cureton, Spicil. Syr., p. 41 et suiv. ; Pitra, Spicil. Sol., II, p. xxxviii et suiv. ; tirage à part, Paris, 1855 ; Otto, Corpus apolog., t. IX, Iéna, 1872), et où l’on crut d’abord posséder une partie de l’Apologie à Marc-Aurèle. Il est bien plus probable que c’est le traité περὶ ἀληθείας (syr. ). Cf. Gœtting. gel. Anzeigen, 1856, p. 655-659 (Ewald) ; Land, Anecd. Syr., p. 53-55. En effet, le mot ἀληθεία (syr. ) y revient sans cesse. La suscription de la version syriaque, où ce traité est présenté comme un discours fait par Méliton devant Marc-Aurèle, est une évidente interpolation. Il en faut dire autant, selon moi, de la péroraison adressée à Marc-Aurèle, où il est deux fois parlé de « ses fils ». Une telle expression peut-être admise jusqu’en 170, date à partir de laquelle Marc-Aurèle n’a plus qu’un fils ; mais, jusqu’à la fin de 169, Marc-Aurèle a pour collègue Lucius Verus, qui n’aurait pas dû être omis. En outre, des passages du texte (p. 7, 10, 12, 13, surtout 14, 15, 17 du tirage à part) ne peuvent avoir été adressés à Marc-Aurèle, ni de vive voix, ni par écrit ; ce sont des critiques acerbes de la conduite de cet empereur. Nous croyons qu’il y a eu ici une sophistication, qu’on a mis au traité De la vérité un titre mensonger et une péroraison apocryphe, afin de relever la valeur du traité et peut-être avec l’intention de le faire passer pour l’Apologie perdue. La fraude était d’autant plus facile que, dans tout le traité, Méliton apostrophe un innommé pour le détourner de l’idolâtrie. Eus., IV, xxvi, 1, peut sembler dire que Méliton récita son apologie devant l’empereur. Ce procédé d’arrangement n’a été que trop familier aux Syriens. Ainsi le Logos paræneticos attribué à Justin a reçu d’eux un en-tête fictif, destiné à lui donner un intérêt historique, peut-être en rapport avec Eusèbe, Hist. eccl., V, ch. 21.