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Tatien offre, on le voit, beaucoup de ressemblance avec Apelle. Comme lui, il changea beaucoup, et ne cessa de modifier sa règle de foi ; comme lui, il s’attaqua résolument à la Bible juive et s’en fit le libre exégète. Il se rapproche aussi des protestants du xvie siècle et particulièrement de Calvin. Ce fut, en tout cas, l’un des hommes les plus profondément chrétiens de son siècle et, s’il tomba, ce fut, comme Tertullien, par excès de sévérité. On peut ranger parmi ses disciples ce Jules Cassien, qui écrivit plusieurs livres d’Exegetica, soutint, par des arguments analogues à ceux du Discours contre les Hellènes, que la philosophie des Hébreux fut bien plus ancienne que celle des Grecs, poussa le docétisme à de tels excès qu’on le regarda comme le chef de cette hérésie et associa au docétisme une horreur des œuvres de la chair qui le conduisit à une sorte de nihilisme destructeur de l’humanité. L’avènement du royaume de Dieu lui apparaissait comme la suppression des sexes et de la pudeur[1]. Un certain Sévère suivit une fantaisie plus libre encore, repoussant les Actes des apôtres, injuriant Paul, reprenant les mythes vieillis du gnosticisme. De naufrage en

  1. Clém. d’Alex., Strom., I, 21 ; III, 13 et suiv. ; Théodoret, Hær. fab., I, 8.