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Tout ce qui, dans la vie de Jésus, rapprochait trop, selon lui, le dieu de l’homme fut sacrifié sans pitié. Quelque commode que fût cette tentative de fusion des Évangiles, on y renonça, et les exemplaires du Diatessaron furent violemment détruits[1]. Le principal adversaire de Tatien, dans cette dernière période de sa vie, fut son ancien élève Rhodon[2]. Reprenant un à un les Problèmes de Tatien, ce présomptueux exégète se fit fort de répondre à toutes les objections que son maître avait soulevées. Il écrivit aussi un Commentaire sur l’œuvre de six jours[3]. Sans doute, si nous avions le livre que Rhodon composa sur tant de délicates questions, nous verrions qu’il fut moins sage qu’Apelle et que Tatien ; ceux-ci avouaient prudemment ne pas savoir les résoudre.

La foi de Tatien variait comme son exégèse. Le gnosticisme, à demi vaincu en Occident, florissait encore en Orient. Combinant ensemble Valentin, Saturnin, Marcion, le disciple de saint Justin, oublieux de son maître, tomba dans les rêveries qu’il avait

  1. V. l’Église chrétienne, p. 503, 504. On croit que le Diatessaron de Tatien se retrouve en grande partie dans un commentaire de saint Éphrem conservé en arménien. Mœsinger Evang. concord. expositio, Venise (Saint-Lazare), 1876 ; Harnack, Zeitschrift für K. G., IV (1881), p. 471 et suiv.
  2. Eus., V, xiii, 1, 8 ; saint Jér., De viris ill., 37.
  3. Eus., V, xiii, 8.