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thique étaient relevées avec beaucoup de sagacité[1]. Son livre fut considéré comme une réfutation de la Bible et repoussé comme blasphématoire[2].

Esprit trop juste pour le monde sectaire où il s’était engagé, Apelle était condamné à changer toujours. Sur la fin de sa vie, il désespéra tout à fait des Écritures. Même son idée fondamentale de l’unité divine vacilla devant lui, et il arriva, sans s’en douter, à la parfaite sagesse, c’est-à-dire au dégoût des systèmes et au bon sens. Rhodon, son adversaire, nous a raconté une conversation qu’il eut avec lui à Rome vers 180. « Le vieil Apelle, dit-il[3], s’étant abouché avec nous, nous lui montrâmes qu’il se trompait en beaucoup de choses, si bien qu’il fut réduit à dire qu’il ne fallait pas si fort examiner les matières de la religion, que chacun devait demeurer dans sa croyance, que ceux-là seraient sauvés qui espéraient dans le crucifié, pourvu qu’ils fussent trouvés gens de bien. Il avouait que le point le plus obscur pour lui était ce qui concernait Dieu. Il n’admettait comme nous qu’un seul principe… « Où est

  1. Saint Ambroise, l. c. ; Origène, In Gen., hom. ii, 2.
  2. Eusèbe, H. E., V, xiii, 9.
  3. Eus., V, ch. 13. Cf. saint Jérôme, De viris ill., ch. 37 ; Pseudo-Hieronymus, Indiculus de hær., c. 17 ; Harnack, Apelles, p. 16, 17.