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corps céleste élémentaire, en dehors des lois ordinaires de la physique, bien que doué d’une pleine réalité.

À diverses reprises, Apelle paraît avoir senti que cette doctrine de l’opposition radicale des deux Testaments avait quelque chose de trop absolu, et, comme ce n’était pas un esprit obstiné, peu à peu il en vint à des idées que saint Paul n’eût peut-être point repoussées. En certains moments, l’Ancien Testament lui semblait plutôt incohérent et contradictoire que décidément mauvais ; si bien que l’œuvre du Christ aurait été d’y faire le discernement du bien et du mal, conformément à ce mot si souvent cité par les gnostiques : « Soyez de bons trapézites[1]. » De même que Marcion avait écrit ses Antithèses pour montrer l’incompatibilité des deux Testaments, Apelle écrivit ses Syllogismes, vaste compilation des passages faibles du Pentateuque, destinée surtout à montrer l’inconstance de l’ancien législateur et son peu de philosophie[2]. Apelle y déploya une critique très subtile, rappelant parfois celle des incrédules du xviiie siècle. Les difficultés que présentent les premiers chapitres de la Genèse, quand on s’interdit l’explication my-

  1. Sur le sens qu’on y donnait à cette époque, voir Denys d’Alexandrie, dans Eus., VII, vii, 3.
  2. Saint Ambroise (De parad., V, 28) en cite le tome XXXVIIIe.